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RUPTURES CONVENTIONNELLES ET COVID-19

Avec le décret n° 2020-471 du 24 avril 2020, l’incertitude principale régnant sur les ruptures conventionnelles initiées avant ou conclues pendant l’épidémie de covid-19 est levée. Rappel du feuilleton en trois étapes.

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

Depuis le début de l’épidémie de covid-19, aucune interdiction de négocier et conclure une rupture conventionnelle (RC) n’a été posée, l’employeur devant néanmoins s’assurer du respect des règles sanitaires dans l’organisation du/des entretien(s) et du rendez-vous de signature de la convention avec le salarié.

En revanche, l’ordonnance du 25 mars 2020, prise en application de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 en date du 23 mars 2020, a directement impacté les délais de rétractation et d’instruction des RC, à tel point qu’il a été craint qu’une rupture amiable soit désormais rendue impossible pendant la crise sanitaire.

Il est rappelé que la RC, qui résulte d’une convention signée entre les parties au contrat de travail, ne prend effet qu’à l’expiration de deux délais :

- un délai de rétractation de 15 jours calendaires offert aux parties suivant la signature de la convention

- un délai d’instruction de 15 jours ouvrables à compter du dépôt à la DIRECCTE de la convention, délai à l’issue duquel le silence de l’administration fait naître une décision implicite d’homologation.

L’ordonnance du 25 mars 2020 a institué, pour les procédures administratives, un mécanisme de suspension et de report des délais ayant commencé à courir ou qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 inclus et la fin du mois qui suit la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

La loi du 23 mars 2020, publié le 24 mars, ayant déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur, cette période spéciale prévue par l’ordonnance est donc fixée, en l’état, du 12 mars au 24 juin 2020 (dite « période juridiquement protégée »).

Les conséquences étaient les suivantes s’agissant du délai de rétractation de 15 jours calendaires offert aux parties :

  • si la RC avait été signée jusqu’au 25 février 2020 inclus, la procédure pouvait théoriquement suivre son cours dès lors que le délai de rétractation était écoulé avant le 12 mars 2020 ;
  • si la RC avait été signée après le 25 février 2020 et que le délai de rétractation n’était donc pas écoulé à la date du 12 mars, ce délai de rétractation était suspendu et ne pouvait recommencer à courir qu’à compter du 24 juin 2020.

Quant au délai d’instruction en vue de l’homologation de la RC, il était envisagé également différemment selon la date de dépôt à l’administration de la convention de rupture :

  • si la demande d’homologation avait été déposée à l’administration au plus tard le 22 février 2020 inclus, la convention de RC avait bien fait l’objet d’une homologation tacite dans les 15 jours de sa réception et avant le 12 mars 2020 ; le contrat de travail pouvait donc être rompu à la date prévue par la convention ;
  • si la demande d’homologation avait été déposée à l’administration après le 22 février 2020 et pour une RC signée jusqu’au 25 février 2020 inclus (le délai d’instruction étant donc toujours en cours au 12 mars 2020), ce délai était suspendu et ne pouvait reprendre qu’à compter de la fin de la période juridiquement protégée (soit après le 24 juin 2020) ;
  • si la RC avait été signée après le 25 février 2020, de sorte que le délai d’instruction, après dépôt de la demande d’homologation à l’administration, aurait dû commencer à courir entre le 12 mars et le 24 juin 2020, le point de départ du délai d’instruction était reporté à l’issue de la période juridiquement protégée.

Il s’avère toutefois que certaines DIRECCTE, n’ayant pas la même interprétation de l’ordonnance, ont continué à procéder à l’homologation expresse des ruptures conventionnelles qui leur étaient transmises.

L’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19

Une première difficulté a été levée avec l’ordonnance du 15 avril 2020, qui a soustrait de la liste des mesures de suspension et de report des délais prévus par l’ordonnance du 25 mars 2020 les « délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement (...) », cette disposition ayant un « caractère interprétatif ».

Ainsi, le délai de rétractation de 15 jours calendaires offert aux parties à la RC est bien réputé, rétroactivement, n’avoir pas été suspendu et s’être écoulé normalement à compter de la date de la signature de la convention. 

Il est également admis que le dispositif de suspension des délais ne prive pas l’administration de sa capacité de prendre une décision d’homologation expresse d’une RC pendant la période juridiquement protégée courant jusqu’au 24 juin 2020. 

Demeurait toutefois un obstacle majeur dans le cas où la DIRECCTE ne statuait pas dans le délai de 15 jours, puisque son absence de réponse ne pouvait toujours pas valoir homologation tacite de la RC.

Le décret n° 2020-471 du 24 avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d'état d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 dans le domaine du travail et de l'emploi 

Le décret attendu du 24 avril 2020, publié au Journal Officiel du 25 avril, met un terme à la suspension et au report du point du départ du délai d’instruction des demandes d’homologation de RC.

Le décret fixe les catégories d'actes, de procédures et d'obligations, dont les délais, suspendus à la date du 12 mars 2020, reprennent leur cours, pour des motifs de sécurité, de protection de la santé, de sauvegarde de l'emploi et de l'activité, et de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective.

Parmi ces délais, est expressément visé le délai d’homologation de la RC.

Le cours du délai reprend à compter de l'entrée en vigueur du décret (fixé en principe au lendemain de sa publication). 

Selon la date du point de départ du délai d’instruction, trois situations peuvent donc être distinguées :

  • pour les RC parvenues à la DIRRECTE avant le 12 mars 2020 (dont le point de départ du délai d’instruction avait commencé à courir mais avait été suspendu à cette date en application du mécanisme de suspension), le délai d’instruction de 15 jours restant à courir au 12 mars reprend à la date du 27 avril 2020 (le 26 avril tombant un dimanche, jour non ouvrable) ;
  • pour les RC parvenues à la DIRRECTE à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 25 avril inclus (dont le point de départ du délai d’instruction n’avait pas commencé à courir à la date du 12 mars car différé en application du mécanisme de report), le délai d’instruction de 15 jours commence à courir à la date du 27 avril 2020 et expirera le vendredi 15 mai 2020 à minuit, compte tenu des 2 jours fériés légaux (1er et 8 mai) et des 3 dimanches compris dans le délai ;
  • pour les RC parvenues à la DIRRECTE après le 25 avril 2020, le délai d’instruction de 15 jours commence à courir selon les règles du droit commun, soit à réception de la demande d’homologation conformément aux dispositions de l’article L 1237-14 du Code du travail. 

Des interrogations et incertitudes demeurent toutefois, notamment :

  • sur les conséquences du report de la date de rupture du contrat de travail sur le montant de l’indemnité de RC prévue dans la convention de rupture ;
  • sur la valeur juridique des accusés de réception qui ont pu être délivrés par les DIRECCTE informant les parties que, sauf décision expresse de refus, la rupture serait acquise à l’issue du délai de 15 jours, et ce même pour des demandes d’homologation postérieures au 12 mars 2020.

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Article rédigé par Anne Rebierre, Avocat.

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