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COVID-19 – VERS UNE ONDE D’OPPORTUNITÉS EN DISTRESSED M&A ?

La crise sanitaire actuelle et le contexte économique chahuté qui s’ensuit vont fatalement conduire certaines entreprises vers des difficultés financières, l’ouverture de procédures collectives voire la liquidation pour certaines d’entre elles. Celles-ci se trouveront dos au mur et devront, pour s’en sortir, réaliser des opérations de haut de bilan (augmentation de capital, émission d’obligations, cession de titres, etc.).

Les opérations de fusions-acquisitions (« M&A ») dans lesquelles la société cible est placée sous procédure collective sont désignées par le terme de « distressed M&A ».

La situation économique est instable ce qui rend l’évaluation des entreprises difficile. Toutefois, il est certain que des opportunités ne manqueront pas pour les acheteurs attentifs aux signes précurseurs d’une insolvabilité à condition toutefois d’être entouré par vos conseils juridiques.

En effet, ces opérations doivent faire l’objet d’une attention toute particulière en ce que les solutions juridiques proposées ne pourront pas être les mêmes que lorsque la société cible est « en bonne santé ». En effet, la reprise d’une entreprise dans le cadre d’une opération de distressed M&A ne s’appréhende pas selon les règles du jeu habituelles du M&A. Dans de telles hypothèses, la situation financière du vendeur peut être tendue, tout comme celle de la cible, ce qui aura un impact sur la mécanique juridique de l’opération. Il faudra redoubler d’attention quant aux précautions à prendre et aux mécanismes juridiques à appliquer.

I. Quelles opportunités et pour quels acheteurs ?

Dans tous les cas, en matière de distressed M&A, il est fondamental pour l’acheteur potentiel intéressé par une société cible en difficulté de comprendre l’origine des difficultés rencontrées. Une fois celles-ci identifiées, il pourra déterminer si elles sont surmontables et par quels moyens (notamment financiers). Les reprises d’entreprises en difficulté nécessitent en effet un focus particulier sur le financement des besoins non couverts, lesquels se révèlent assez régulièrement supérieurs, voire très supérieurs, au montant de l’opération.

Ainsi, les opportunités seront d’autant plus grandes que certaines entreprises pertinentes sur leur marché ont des fournisseurs et des clients solides et qu’elles n’ont été mises en difficulté à cause du COVID-19 que pour un manque de trésorerie à court terme. 

Actuellement en pleine récession, les banques françaises sont et/ou risquent d’être de moins en moins enclines à accorder du financement pour des entreprises en difficulté.

On peut donc s’attendre à ce que les acheteurs agissant sur le terrain du distressed M&A soient ceux ayant une trésorerie et une capacité d’investissement en propre. Selon le Fortune magazine, en janvier 2020, les fonds d’investissement disposaient d’environ 1,5 milliards de dollars de trésorerie prêts à être investis.

Soyez sûr qu’il existera des opportunités laissées par le COVID-19 pour tout type d’acheteurs potentiels au-delà des seuls fonds d’investissement.

Dans ces conditions, le prix de vente est une question primordiale dans les opérations de distressed M&A. La santé économique de la société cible réduisant sa valeur et donc a fortiori son prix de vente parfois à un (1) euro symbolique voir à un prix négatif (dans les dossiers de carve-out tels que le dossier La Redoute dans lequel le vendeur, Kering, avait injecté 500 millions d’euros de liquidités dans la cible afin de la vendre aux salariés), il peut être judicieux de recourir au mécanisme du complément de prix (earn out).

Cette technique présente un avantage tant pour l’acheteur que pour le vendeur :

  • pour l’acheteur, car il n’aura pas à mobiliser une trésorerie trop grande ; et
  • pour le vendeur, il s’agit d’un pari sur l’avenir lui permettant d’obtenir in fine et si la rentabilité de l’entreprise cédée le permet, un « vrai » prix de vente.

II. L’encadrement juridique strict du distressed M&A

L’investissement au sein d’une société cible en difficulté peut être réalisé lorsque celle-ci est mise sous :

  • procédure amiable, à savoir soit un mandat ad hoc soit une procédure de conciliation ; ou
  • procédure collective, c’est-à-dire une procédure de sauvegarde, de sauvegarde accélérée, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Une entreprise peut être cédée à chacune de ces étapes mais selon des conditions différentes. Les solutions seront également différentes selon que l’acheteur potentiel envisage le rachat des titres de la société ou une branche d’activité.

(i) Sur le rachat de titres

Dans le cadre d’une procédure collective, par principe, l’acheteur potentiel devra émettre une offre de reprise qui sera étudiée aux fins de délivrer un plan de cession.

L’offre est souvent émise pour un (1) euro et contient un plan de sauvegarde ou de redressement qui sera délivré à l’administrateur judiciaire et qui devra être approuvé par les actionnaires et les créanciers. Le plan sera finalement accepté ou non par le Tribunal.

Cette procédure a pour inconvénient d’être longue et publique.

Il est donc préférable de faire une offre dans le cadre d’une procédure de prévention des difficultés (procédures amiables, sauvegarde et sauvegarde accélérée, qui permettent, dans la confidentialité, la mise en place d’une restructuration financière et opérationnelle dans un cadre protecteur). Cette offre fera l’objet d’une conciliation aboutissant le cas échéant sur un accord. Cet accord pourra ensuite être homologué par le Président du Tribunal de commerce qui fixera la date de cessation des paiements et protégera ainsi définitivement la situation antérieure telle que le contrat de vente qui ne pourra plus faire l’objet de contestation.

L’autre avantage est le privilège de conciliation qui offre aux apporteurs de trésorerie une priorité dans le remboursement en cas de nouvelles difficultés rencontrées par la société.

La situation actuelle et les mesures exceptionnelles prises par l’Ordonnance n°2020-341 en date du 27 mars 2020 prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de COVID-19 reporte le délai obligatoire pour déclarer l’état de cessation des paiements d’une entreprise.

Ainsi, d’une durée de 45 jours initialement, les entreprises impactées par le COVID-19 pourront bénéficier des procédures de prévention des difficultés jusqu’au 24 août 2020 facilitant ainsi l’usage de la procédure de conciliation idéale pour la reprise des actions.

(ii) Sur le rachat d’une branche d’activité

Ici également, les étapes varient d’une procédure à l’autre. On peut cependant indiquer que l’acheteur potentiel doit émettre une offre de reprise justifiant de son sérieux et précisant certains éléments tels que le périmètre de rachat (les éléments corporels et incorporels), le prix, le plan de cession ainsi que les perspectives d’emploi.

L’offre sera transmise à l’administrateur judiciaire et ce dès l’ouverture de la procédure collective. Le Tribunal de commerce choisira parmi les offres soumises, la plus adaptée.

A noter qu’en France, le maintien de l’emploi est un critère déterminant dans le choix des offres de reprises.

(iii) Sur les enjeux juridiques pour les parties

Tel qu’anticipé (et il est essentiel de le rappeler), une opération de distressed M&A comporte des barrières à l’entrée, pour le vendeur comme pour l’acheteur. Chaque décision ou absence d’action pourra avoir des conséquences extrêmement lourdes sur la situation économique, financière et sociale de la structure ainsi que sur la responsabilité des mandataires sociaux.

Enjeux pour l’acheteur. Ayant connaissance des difficultés du vendeur, l’acheteur aura la responsabilité de financer l’actif de la cible dès le premier jour de la reprise. C’est pourquoi la structuration du prix sera une étape essentielle à l’opération.

L’acheteur devra également :

  • s’assurer que le vendeur ait la capacité de vendre l’actif et notamment, qu’aucun tiers créancier ne se présente pour remettre en cause la cession ;
  • préparer un business plan viable sur la base d’hypothèses réalistes pour apprécier les conditions du retour à l’équilibre et à la rentabilité de la cible. A cette fin, les leviers de restructuration devront être identifiés tant dans une approche financière qu’opérationnelle pour éviter de ne traiter les problématiques que de façon provisoire ; et
  • fournir à la cible des liquidités suffisantes pour lui éviter le dépôt de bilan pendant une période minimale de deux ans.

Enjeux pour le vendeur :  Le dirigeant de la cible aura la responsabilité de faire tout ce qui est en son pouvoir afin de préserver l’intérêt social de son entreprise. Ceci implique nécessairement une transparence totale envers l’acheteur sur l’état financier actuel de la cible et sur les risques futurs qui pourraient affecter le business plan post-acquisition. 

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En conclusion, des opportunités d’affaires sont à prévoir. Il conviendra de savoir les identifier et de vous faire accompagner par vos avocats afin de définir et mettre en place les actions nécessaires à court terme et plus long terme. Anticipation, lucidité, constitution d’une équipe de crise et actions immédiates, la reprise de sociétés en difficulté requière une expertise juridique particulière et un respect scrupuleux des délais afin de permettre à l’entreprise de rétablir dans les plus brefs délais la confiance de ses clients, de ses fournisseurs, de ses banquiers, de ses investisseurs, et au-delà de tout, de son capital humain.

 

Article rédigé par Virna Rizzo, Avocat, et Jordan Le Gallo, Elève-avocat. 

 

 

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