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COVID-19 : QUELLES MESURES POUR PREVENIR LES DIFFICULTES DES ENTREPRISES ?

 Comme beaucoup d’entrepreneurs français, la situation financière de votre entreprise est susceptible d’être fragilisée en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Vous vous interrogez très certainement sur les capacités de votre entreprise à y faire face afin d’échapper à une procédure collective.

Conscient de l’impact de l’état d’urgence sanitaire sur le chiffre d’affaires des entreprises, l’Etat a multiplié les mesures de soutien à leur égard (report de paiement des impôts et des cotisations, adaptation du dispositif d’activité partielle, fonds de solidarité, octroi de prêts garantis par l’Etat etc.).

S’il est évidemment conseillé de demander dans un premier temps de tels reports de charges et impôts, et d’obtenir, le cas échéant, des prêts aidés/garantis par l’Etat au travers de la BPI France, ces mesures peuvent s’avérer insuffisantes pour recouvrer une situation financière stable.

En effet, une fois ces mesures de clémence terminées, de nouvelles difficultés de trésorerie risquent fort d’apparaitre pour les entreprises, puisque certaines charges reportées au titre de l’état d’urgence deviendront exigibles au terme de la période de report des charges.

C’est pourquoi, en complément des mesures de soutien ci-avant exposées, le Gouvernement a mis en place des mesures exceptionnelles temporaires destinées à prévenir les difficultés des entreprises.

Après un bref rappel des procédures préventives et collectives des difficultés des entreprises déjà existantes, nous vous présentons les mesures exceptionnelles mises en place par l’Ordonnance n°2020-341 en date du 27 mars 2020 (ci-après dénommée « l’Ordonnance »), prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

 

I. Rappel sur les procédures existantes

Les procédures préventives et collectives relatives au traitement des difficultés des entreprises ne peuvent être mises en place que sous certaines conditions, et leur ouverture au bénéfice de l’entreprise est conditionné notamment à leur état de cessation des paiements. Le code de commerce entend par « état de cessation des paiements » « l’impossibilité pour l’entreprise concernée de faire face au passif exigible avec son actif disponible » (article L 631-1, al.1 C. Com).

Ainsi, si le mandat ad hoc et la sauvegarde ne peuvent être mises en place qu’à la condition que l’entreprise ne soit pas en état de cessation des paiements, la conciliation, qui consiste pourtant en une procédure préventive du traitement des difficultés, peut être ouverte en cas de cessation des paiements depuis moins de 45 jours.

1. Les procédures préventives et confidentielles

  • le mandat ad hoc (article L.611-3 C.com) :

Souple et peu formelle, cette procédure permet au dirigeant d'être accompagné par un mandataire ad hoc, désigné par le Tribunal. L’objectif est de négocier des délais de paiement ou des remises de dettes avec les créanciers principaux.

Le mandat ad hoc est confidentiel et peut être renouvelé ou prolongé sans limitations. Il cesse toutefois d’être confidentiel si l’accord obtenu par le mandataire ad hoc auprès des créanciers est homologué par le juge.

Pour en bénéficier, votre entreprise ne doit pas se trouver en état de cessation des paiements. A noter que durant la négociation, les créanciers sont en droit de continuer les poursuites à l’encontre de l’entreprise sous mandat.

  • la conciliation(articles L.611-4 et suivants C.com) :

Tout comme le mandat ad hoc, la procédure de conciliation a l’avantage d’être entièrement confidentielle, sauf à ce que l’accord obtenu par le conciliateur auprès des créanciers soit homologué par le juge. A noter toutefois que vous ne pouvez bénéficier de cette procédure préventive que si votre entreprise n’est pas en état de cessation des paiements, ou depuis moins de 45 jours.

Par ailleurs, et contrairement au mandat ad hoc, la procédure de conciliation ne peut excéder 4 mois, sauf en cas de prorogation de la procédure, qui ne saurait, en tout état de cause, dépasser 5 mois.

L'accord de conciliation, s’il intervient, doit permettre à l'entreprise d'obtenir des remises de dettes, des financements ou encore d'envisager une restructuration.

A noter également que les créanciers ayant conclu l’accord de conciliation ne peuvent procéder à des poursuites individuelles durant la période d’exécution du plan de conciliation, sauf à ce que l’entreprise débitrice n’ait pas respecté les obligations auxquelles elle s’est engagée au titre de l’accord.

Enfin, cette procédure peut s’avérer une excellente solution si vous avez une idée précise de la restructuration qu’il convient d’opérer au sein de votre entreprise, puisque vous pourrez, en accord avec le conciliateur, élaborer (avec les créanciers) un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise, et lancer une procédure de sauvegarde accélérée à compter de la fin de la conciliation (cf. infra).

 2. La sauvegarde : la procédure collective adaptée à la prévention des difficultés des entreprises

  • la sauvegarde (article L.620-1 et suivants, C.com) 

Cette procédure collective peut être ouverte à la demande du dirigeant dont l’entreprise n’est pas en état de cessation de paiements, si ladite société anticipe des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter.

L’ouverture de la procédure de sauvegarde suspend automatiquement les poursuites individuelles à l'encontre de l'entreprise, gèle le passif antérieur à l’ouverture de la procédure.

A noter toutefois que le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde est publié au BODACC, de sorte que l’entreprise sous sauvegarde est contrainte de dévoiler sa situation auprès des tiers.

L’objectif de la procédure de sauvegarde est d’élaborer un plan de sauvegarde ayant pour finalité d’apurer le passif de l’entreprise. Après acceptation par les créanciers, le Tribunal statue sur ledit plan en présence de tous les acteurs de la procédure. Si le plan de sauvegarde ne peut pas être exécuté, le Tribunal prononcera la résolution du plan et il faudra alors envisager des procédures de redressement, voire de liquidation judiciaire.

  • la sauvegarde accélérée (article L.628-1 et suivants, C.com)

Cette procédure intervient toujours en complément d’une procédure de conciliation en cours.

L’objectif de la sauvegarde accélérée étant, comme son nom l’indique, d’adopter très rapidement un plan de sauvegarde (ne dépassant pas 3 mois, ce qui revient à une procédure de maximum 8 mois si l’on prend en compte la procédure préalable de conciliation cf. supra), la contrainte de divulgation de la procédure de sauvegarde se trouve largement amoindrie.

Par ailleurs, à la différence avec la sauvegarde de droit commun, l’ouverture d’une sauvegarde accélérée est possible en cas de cessation des paiements depuis moins de 45 jours.

 

II. Les mesures exceptionnelles mises en place par la nouvelle Ordonnance relatives à la prévention des difficultés des entreprises

1. l’état de cessation des paiements apprécié au 12 mars 2020

Lorsque votre entreprise se trouve en état de cessation des paiements, vous disposez en principe de 45 jours pour le déclarer. A défaut, une faute de gestion pourrait être caractérisée à votre encontre.

Néanmoins, l’Ordonnance a instauré une dérogation à cette règle applicable jusqu’au 24 août 2020, consistant à apprécier l’état de cessation des paiements à la date du 12 mars 2020.

Dès lors, il vous sera possible d’ouvrir une procédure préventive des difficultés, voire une procédure de sauvegarde, même si entre le 12 mars 2020 et le 24 août 2020, la situation financière ou économique de votre entreprise s’est détériorée à un point tel qu’elle se trouve en état de cessation des paiements, y compris depuis plus de 45 jours.

Ce dispositif doit permettre aux entreprises de bénéficier des procédures de prévention des difficultés, à savoir, le mandat ad hoc, la conciliation, la sauvegarde et la sauvegarde accélérée, durant toute la période d’état d’urgence sanitaire majorée de trois mois.

En tant que dirigeant, vous êtes ainsi totalement protégé de toute sanctions personnelles pour ne pas avoir déclaré l’état de cessation des paiements au-delà du délai de 45 jours.

Ces mesures sont faites pour favoriser l’ouverture de procédure d’anticipation des difficultés des entreprises. On le sait, en cette matière, mieux vaut anticiper les difficultés avant qu’elles n’apparaissent. Plus les difficultés sont prises en amont, plus l’entreprise peut espérer échapper au redressement voire à la liquidation judiciaire.

Cependant, ces mesures seront-elles efficaces à éviter l’apparition des difficultés ?

La réponse mérite d’être nuancée, car, les mesures présentées sont des mesures générales, dont l’efficacité dépendra du secteur d’activité et du type d’entreprises concerné.

Il convient à notre sens de distinguer selon les entreprises considérées :

- Celles dont le chiffre d’affaires est simplement décalé à la fin de la période d’état d’urgence sanitaire ;

Pour celles-ci, le dispositif mis en place par l’Ordonnance et l’ouverture de procédures d’anticipation des difficultés pourrait s’avérer efficace afin d’éviter un redressement judiciaire.

- Celles pour lesquelles le chiffre d’affaire non réalisé est irrémédiablement perdu : celles-ci auront vraisemblablement beaucoup de mal à faire face aux charges reportées à l’issue de la période d’urgence sanitaire, qui s’ajouteront aux charges courantes (exemple : restauration et hôtellerie)

Pour ces nombreuses entreprises, qui ne pourront rattraper le chiffre d’affaires perdu, il est à craindre que ces mesures s’avèrent insuffisantes sans un effacement de charges. Or, rien n’a encore été pour le moment prévu par le Gouvernement en ce sens. La situation devra donc être appréciée au cas par cas avec chacun des créanciers sociaux dans le cadre des procédures préventives ou de sauvegarde qui seront ouvertes. 

2. Prolongation des délais en matière de conciliation

En principe, la durée initiale d’une conciliation est fixée à 4 mois (article L.611-6, C.com). Cependant, du fait du risque d’inertie des négociations avec les créanciers pendant la période couverte par la loi d’urgence, cette durée est prolongée de plein droit pour une durée correspondant à l’état d’urgence sanitaire majorée de trois mois supplémentaires, soit jusqu’au 24 août 2020.

A noter également que le délai de trois mois imposé entre deux tentatives de conciliation n’est pas applicable pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire ainsi que durant les trois mois suivants. Il vous sera donc possible de reprendre les négociations d’une tentative échouée de conciliation, à n’importe quel moment durant cette période exceptionnelle.

Enfin, il convient de préciser que la prolongation des délais en matière de conciliation sera de facto applicable en cas de conciliation ouverte aux fins de lancer une procédure de sauvegarde accélérée.

3. L’assouplissement des formalités

Afin d’éviter les contacts autant que faire se peut, l’Ordonnance a simplifié la procédure d’ouverture des procédures en vous permettant de ne pas comparaître physiquement devant le tribunal jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 juin 2020.

Vous pouvez saisir le Tribunal par une remise au greffe, et formuler vos prétentions et moyens par écrit sans vous présenter à l’audience.

Les communications entre le greffe du tribunal, l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire, ainsi qu’entre les organes de la procédure, sont également simplifiées puisqu’elles peuvent se faire par tout moyen. Le Président du Tribunal peut recueillir les observations du demandeur par tout moyen.

L’article 7 de l’Ordonnance permet aussi de tenir les audiences grâce à un moyen de communication audiovisuelle, c’est-à-dire par visioconférence et, en cas d’impossibilité technique ou matérielle d’y recourir, par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique.

 

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Cet article n’intervient qu’à titre informatif, les procédures collectives nécessitent un accompagnement par un professionnel.

Notre cabinet reste à votre entière disposition pour vous assister, vous conseiller et défendre vos intérêts.

 

Article rédigé par Arnaud Albou, Avocat, Anne-Laure Kerneïs, Avocat, et Marie Lavaud, Elève-avocat.

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