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EXCLUSION DE LA RUSSIE DU SYSTEME SWIFT : L’ARME NUCLEAIRE DES SANCTIONS ECONOMIQUES ?

Chose promise chose due … Samedi soir et après plusieurs menaces proférées par les occidentaux, ces derniers se sont mis d’accord pour restreindre l'accès du Kremlin à la plateforme interbancaire SWIFT. Si les sanctions d’ores et déjà imposées auraient fait perdre quelques 126 milliards de dollars aux 116 oligarques russes spécifiquement identifiés, cette nouvelle annonce représente une escalade significative dans le bras de fer entre l’Occident et la Russie.

La Suisse et la Norvège, d’habitude si discrètes en période de conflits, ont elles-mêmes pris part à ces sanctions, la première en reprenant les sanctions émises par l’UE à son compte, la seconde en cédant 2,8 milliards de dollars de placements réalisés par son Fonds souverain en Russie.

L'Union européenne, les États-Unis et d'autres pays occidentaux, ont prononcé l’exclusion de certaines banques russes du système de messagerie international SWIFT et imposé des restrictions à la Banque centrale de Russie afin d'empêcher Vladimir Poutine « d'utiliser son trésor de guerre », estimé à plus de 600 milliards de dollars, pour financer le conflit en Ukraine.

Le réseau Swift, acronyme de « Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication », est un système de messagerie sécurisée entre les banques, qui permet aux grandes institutions financières de sécuriser les échanges financiers mondiaux. Utilisée par plus de 11.000 banques et institutions financières dans plus de 200 pays et territoires, dont la Russie, SWIFT traite 42 millions de messages par jour, facilitant des transactions d'une valeur de plusieurs milliers de milliards de dollars.

Le réseau SWIFT est essentiel pour les échanges transfrontaliers, car il permet aux entreprises d'un pays de garantir le paiement dans un autre pays. Par exemple, une entreprise européenne qui achète des produits russes doit utiliser SWIFT pour transférer des fonds d'une banque locale vers le compte bancaire du vendeur russe en utilisant les codes bancaires de SWIFT.

Une fois la Russie débranchée du réseau, son gouvernement et ses entreprises se trouveraient isolées des marchés financiers du monde entier. Avec quelques 300 banques et institutions russes utilisant le réseau SWIFT, l'impact sur l'économie russe s’apprête à être dévastateur, en particulier à court terme. En effet, la Russie est fortement tributaire de SWIFT en raison de ses exportations d'hydrocarbures de plusieurs milliards libellées en dollars américains. La coupure mettrait fin à toutes les transactions internationales, déclencherait la volatilité des devises et provoquerait des sorties massives de capitaux. Le Russie ne pourrait pas non plus convertir ses 600 milliards de dollars de réserve en rouble, lequel a par ailleurs chuté à un taux historiquement bas.

Les risques de faillites des banques russes sanctionnées n’est d’ailleurs pas à prendre à la légère. En effet, à l'annonce du retrait du réseau SWIFT de certaines d’entre elles, les clients desdites banques se sont rués vers ces dernières pour retirer leurs dépôts et les placer ailleurs.

Néanmoins, toute sanction économique se caractérise par un effet boomerang plus ou moins important. Premièrement, cette nouvelle vague de sanctions nuira également à d'autres économies, notamment celles des États-Unis et de l'Allemagne, très dépendante du gaz russe pour son approvisionnement. Les banques occidentales ont déjà des centaines de milliards de dollars en jeu, notamment dans les contrats à terme sur le pétrole et le gaz. A l’heure actuelle, des centaines de pétroliers et de gaziers transitent en mer dont la cargaison a été achetée il y a des semaines, voire des mois. En privant la Russie du réseau SWIFT, de réelles préoccupations existent quant aux modalités de paiement de ces cargaisons.

Deuxièmement, plusieurs contre-mesures ont déjà été adoptées par Moscou pour sécuriser son système financier national, le cas de l'Iran servant d'exemple. Dès 2014, la Russie a créé son propre réseau de transfert de messages financiers (SPFS) en réponse aux menaces de sanctions de SWIFT à la suite de l’annexion de la Crimée. Le réseau SPFS compte déjà 400 banques russes et 23 banques étrangères en Arménie, Biélorussie, Allemagne, Kazakhstan, Kirghizistan et en Suisse.

Troisièmement, l’exclusion de la Russie au réseau SWIFT accélérera la création de mécanismes alternatifs tels que le commerce en monnaies locales, l'utilisation de crypto-monnaies et la signature de nouveaux accords bilatéraux de libre-échange. La Chine, l'Iran et l'Inde, par exemple, échangent déjà en monnaie locale. Des discussions sont également en cours pour intégrer le réseau russe au système chinois CIPs (alternatif au SWIFT) et connecter le système SPFS à des partenaires commerciaux tels que l’Inde ou l’Iran.

Article rédigé par Virna Rizzo, Avocat, et Jordan Le Gallo, Avocat.

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