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LA DERNIÈRE INVITÉE DES RENCONTRES DE SÉGOLÈNE : CYRIELLE HARIEL, LA RÉSISTANTE

Ce portrait a été réalisé le 3 mars 2017 à l'occasion des "Rencontres de Ségolène" qui sont des dîners de femmes destinés à créer un temps de rencontre et de partage autour d'une personnalité qui livre son parcours de vie dans sa globalité.

 

 
Journaliste engagée et militante enthousiaste, déterminée à « éveiller les consciences » aux drames invisibles comme aux miracles méconnus, Cyrielle Hariel ne croit ni à la fatalité ni à la résilience. Elle croit en la capacité de chacun à agir pour changer le monde ; à « prendre sa part » d’une même urgence. À faire et à donner.

Par Caroline Castets

 

Il est des femmes qui semblent nées pour être éternellement jeunes et pétillantes. Des personnalités solaires que l’on ne peut imaginer autrement qu’enthousiastes et passionnées, portées par un projet ou investies dans une cause. Cyrielle Hariel est de celles-là. Journaliste engagée sur Ushuaia TV, militante infatigable, optimiste forcenée, empathique et généreuse, elle a l’audace de la jeunesse assortie d’une sagesse d’un autre âge. Une forme de gravité discrète qui se tient là, en retrait, et dont elle a fait une force. Un supplément d’âme et d’énergie mis au service des autres et qui lui vient de loin. Du fait que, à bientôt trente ans, elle en a vu plus que beaucoup : la mort côtoyée de près, la solitude, la peur. La sienne et celle des autres. De quoi lui forger une conscience aigüe du monde extérieur sans lui retirer l’envie. Celle de dire et d’agir. Celle de s’indigner et de s’engager. Celle, surtout, de tout donner. Car on l’aura compris, Cyrielle n’est pas portée sur la demi-mesure. La tiédeur des sentiments, le temps long de la patience, l’acceptation du compromis, elle les laisse à ceux qui préfèrent le confort du débat au risque de l’engagement. À ceux qui comptent sur d’autres pour agir. Cyrielle, elle, ne compte sur personne.

 

« Très tôt, j’ai eu la conviction que j’étais seule, que personne n’allait pousser les portes pour moi, écrire un mail pour moi… »

 

Conscience précoce

« Très tôt, j’ai eu la conviction que j’étais seule, que personne n’allait pousser les portes pour moi, écrire un mail pour moi… », explique-elle en évoquant ces années partagées entre un père « semi-absent » et une mère active. De cette enfance à la fois « solitaire et protégée », elle retient les week-ends devant la télé, l’expérience de la solitude, le vide à combler et, tout naturellement, le besoin de se doter d’un « ami imaginaire ». Quelqu’un à qui parler et auprès de qui se réfugier. Invisible et rassurant. Celui de Cyrielle sera visible. Surexposé même, puisque ce sera l’icône de la pop Mickael Jackson, qu’elle découvre à quatre ans et dont elle va faire à la fois une « figure paternelle et un mentor », une source d’inspiration et de réconfort et dont les clips vont l’initier « à une réalité autre ». Celle de la guerre et de famine, de la pauvreté extrême et de la déforestation. « Pour moi qui, tous les matins, me promenais dans Fontainebleau, se souvient-elle, voir des enfants de mon âge avec de gros ventres et des mouches sur les yeux a été un choc immense ». La prise de conscience d’un « ailleurs douloureux » et, avec elle, l’éveil précoce d’une conscience humanitaire.

Viennent ensuite les années d’internat, l’arrivée à Paris, la bifurcation d’un bac scientifique vers le monde de la communication et, en 2010, un premier poste décroché chez Direct8 : une émission animalière à laquelle Cyrielle participera trois saisons avant de mettre un terme à son contrat. Motif : besoin de « prendre le temps de la réflexion ». Celui de l’introspection, même.

« Faire sa part »

« Je ne voulais pas entrer dans une case qui n’était pas la mienne », résume celle qui, des mois durant, va s’interroger « sur ce qui compte vraiment ». Questionner ses priorités et fouiller ses souvenirs jusqu’à ce que s’impose celui d’un monde entrevu vingt ans plus tôt dans des clips engagés, et que ne lui revienne à l’esprit la légende amérindienne du colibri appelant chacun à apporter sa contribution, aussi minime soit-elle, pour éteindre l’incendie qui ravage la forêt. « À faire sa part pour changer le monde au lieu d’espérer qu’un jour, d’autres le feront ». Cyrielle, elle, se sent prête à faire la sienne. « J’ai une carte de presse, pas de mari, pas d’enfant ; j’ai la liberté et la jeunesse et l’humanitaire me parle depuis que j’ai quatre ans ». Tout y est, à commencer par l’envie. Rapidement, un projet s’impose : un documentaire qui donnerait à voir les anonymes et les oubliés, les agissants de l’ombre et les drames que l’on tait.

Pour lui donner corps, elle décide de partir sur le terrain avec Action contre la faim à la rencontre des Rohingyas du Bangladesh, un peuple apatride, privé de droit et d’avenir, parqué dans des camps et ignoré de tous. Face à eux, Cyrielle ressent « plus qu’un appel », une évidence : « Je décide de faire un film sur ce peuple. Un documentaire qui éveillerait les consciences. Je décide d’en faire mon combat ». De retour à Paris, un autre l’attend, auquel, une fois encore, elle n’est pas préparée. 

 

« Je ne sais toujours pas comment je vais payer mon loyer mais je me sens missionnée »

 

Missionnée

Celui-ci commence par une visite chez le cardiologue, préconisée des semaines plus tôt et remise à plus tard, se poursuit par un diagnostic, sans appel, qui parle de valve défectueuse, de « trou dans le cœur », de prothèse et d’urgence. Pour Cyrielle, végétarienne convaincue et en train de basculer en mode vegan, adepte de zumba et de pensée positive, c’est la sidération. En quelques semaines, sa vie bascule. Elle découvre le lexomil, la peur de la mort, viscérale, et puis l’idée d’un ange gardien - Hariel -, qu’elle décidera, une fois l’opération passée, d’accoler à son prénom, « comme un porte-bonheur à vie ». Comme un rappel de ce qu’elle a reçu et que, désormais, elle est déterminée à « rendre », en toute logique… « Je me dis que, si je suis en vie, c’est pour me rendre utile, » explique-t-elle. « Je ne sais toujours pas comment je vais payer mon loyer mais je me sens missionnée ». Déterminée à faire du journalisme engagé pour dire et montrer. Déterminée à agir.

Comme un symbole de son engagement et de son « envie de donner », elle fait du cœur sa signature, un geste à deux mains qu’elle propose comme un pacte à tous ceux qu’elle rencontre et qui, comme elle, sont « tournés vers l’action ». Personnalités publiques – parmi lesquelles le Dalaï Lama et Nicolas Hulot, qui la sensibilise aux enjeux climatiques – et héros trop discrets, « ces faiseurs de miracles qui, comme les cardiologues, sauvent des vies et à qui on n’a pas le temps de dire merci ». Tous acteurs de changements ; tous porteurs de solutions. De ces inspirations croisées elle nourrit un blog créé il y a deux ans, et dans lequel elle livre de front ses trois combats : contre les maladies cardio-vasculaires, pour le climat et contre l’apatridie, « la misère des misères ». Trois sujets qui, insiste Cyrielle, sont l’affaire de tous ; l’urgence de tous. « Nous sommes une planète commune, nous devons nous protéger, apprendre à nous aimer car nous sommes tous interdépendants, répète-t-elle. Le faire comprendre, c’est cela le challenge ». C’est cela être « utile ». 

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