Photo de

LES CONSÉQUENCES FISCALES DES DONS DES ENTREPRISES SOUHAITANT PARTICIPER A L’EFFORT NATIONAL

Article paru dans Option Droit & Affaires le 20/05/2020.

Dans ce contexte de lutte contre les effets de la pandémie Covid-19, des mesures spécifiques ont été prises à titre temporaire afin de réduire le taux de TVA, voire d’exonérer de TVA certaines importations (I) et les entreprises souhaitant faire des dons pour participer à l’effort national pourront bénéficier des mécanismes de réduction d’impôt ouverts dans ces cas (II).

I. Les mesures temporaires relatives à la TVA dans le cadre de la crise sanitaire

a) La réduction temporaire du taux de TVA pour certains matériels et produits d’hygiène

La deuxième loi de finances rectificative pour 2020 étend, jusqu’au 31 décembre 2021, le bénéfice du taux de 5,5 % aux masques de protection, aux tenues de protection et aux produits destinés à l’hygiène corporelle adaptés à la lutte contre la propagation du virus Covid-19 et répondant aux normes spécifiques énumérées par arrêté du 7 mai 2020.

 b) L’exonération temporaire de TVA pour certaines importations de matériel sanitaire

La Commission européenne a autorisé tous les Etats membres à mettre en place une exonération de TVA sur les importations de marchandises nécessaires à la lutte contre les effets de la pandémie de Covid-19[1].

A cet égard, la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) a précisé que les importations de matériels sanitaires effectuées par les entreprises afin d’en faire don à des organisations publiques (y compris les organismes d’Etat, les organisations d’aide humanitaire et les organismes à caractère charitable ou philanthropique agréés) peuvent être réalisées en franchise de droits et taxes. Notons que cette mesure s’applique aux importations effectuées du 30 janvier au 31 juillet 2020.

c) La dispense de régularisation de la TVA relative aux dons de matériels sanitaires

En principe, la taxe ayant grevé des biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à un prix normal, notamment à titre de cadeaux ou de dons, n’est pas déductible et entraîne le reversement de la taxe initialement déduite.

Par exception, aucune régularisation de la taxe initialement déduite n’a à être opérée pour les invendus alimentaires et non alimentaires neufs qui ont été donnés aux associations reconnues d’utilité publique présentant un intérêt général de caractère humanitaire, éducatif, social ou charitable (Article 273 septies D du CGI).

Un rescrit de l’administration fiscale en date du 7 avril 2020 a étendu le bénéfice de cette disposition aux dons de matériels sanitaires (masques, gels hydroalcooliques, tenues de protection et respirateurs) fabriqués, achetés, ayant fait l’objet d’une acquisition intracommunautaire ou d’une importation, effectués par les entreprises au profit d’établissements de santé, d’établissements sociaux et médico-sociaux, de professionnels de santé ainsi que de services de l’Etat et des collectivités territoriales[2]. Par ailleurs, l’administration fiscale précise que cette tolérance a vocation à s’appliquer lorsque ces matériels sont acquis dans la perspective d’un don et que cette dispense de régularisation vaut dispense de taxation de la LASM (Livraison A Soi Même).

De surcroît, compte-tenu des circonstances exceptionnelles de l’état d’urgence sanitaire, l’administration fiscale ne subordonne pas le bénéfice de ce mécanisme à la délivrance par le bénéficiaire du don d’une attestation établie selon les modalités habituellement requises. Toutefois, l’entreprise donatrice doit conserver à l’appui de sa comptabilité les informations permettant d’identifier la date du don, son bénéficiaire, la nature ainsi que les quantités données.

II.Les mécanismes de réduction d’impôt ouverts aux entreprises donatrices

 a) La réduction d’impôt en faveur du mécénat

Pour bénéficier de la réduction d’impôt en faveur du mécénat, le versement doit procéder d’une intention libérale de l’entreprise et doit être réalisé au bénéfice d’un organisme visé par l’article 238 bis du CGI.

Sont visés notamment les œuvres ou organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, scientifique, social, humanitaire, ou concourant à la diffusion des connaissances scientifiques françaises ainsi que les fondations ou associations reconnues d’utilité publique. 

L’administration fiscale considère ainsi que revêt un caractère scientifique un organisme ayant pour but d’effectuer certaines recherches d’ordre scientifique ou médical. Les hôpitaux et hospices publics, les hôpitaux privés à but non lucratif, les établissements nationaux de bienfaisance, les écoles d’infirmières présentent quant à eux un caractère social ou familial au sens fiscal. Il en est de même des organismes publics, semi-publics ou privés à but non lucratif contribuant soit à la lutte contre le cancer, la lèpre, le rhumatisme, la tuberculose, les maladies mentales ou l’alcoolisme, soit à la transfusion sanguine, à la réadaptation médicale, à la protection des mères et des enfants et à l’éducation sanitaire de la population.

Rappelons que selon l’administration fiscale, le critère de l’intérêt général est applicable si trois conditions sont réunies : (i) exercer une activité non lucrative, (ii) avoir une gestion désintéressée et (iii) ne pas fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes.

Au vu du caractère non exhaustif de la liste de l’article 238 bis du CGI, une entreprise qui réaliserait un don dans un objectif d’aide à la lutte contre le Covid-19 pourrait bénéficier de la réduction d’impôt en faveur du mécénat si le bénéficiaire est reconnu d’utilité publique ou s’il remplit les critères d’intérêt général exposés ci-avant.

Pour les versements effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2020, la réduction d’impôt s’élève à 60 % du montant des dons réalisés, dans la limite de 20.000 euros ou de 5‰ du chiffre d’affaire lorsque ce dernier montant est plus élevé. Notons que le taux de réduction d’impôt est abaissé à 40% pour la fraction des versements supérieure à 2 millions d’euros[3].

Le montant pris en compte pour la détermination de la réduction est égal au montant effectivement versé ou, lorsqu’il s’agit d’un don en nature, à son coût de revient (coûts supportés par l’entreprise pour acquérir/produire le bien ou la prestation donné). La valorisation du don en nature relève de la responsabilité propre de l’entreprise donatrice.

Soulignons que la valorisation du don doit tenir compte des éventuelles régularisations de TVA déductibles, visées notamment par le rescrit exposé supra et que ce don ne peut pas venir en déduction du résultat imposable. Ainsi, son montant ou sa valeur doit être réintégré de manière extracomptable.

Si l’article 238 bis du CGI ne subordonne pas la réduction d’impôt à la production de reçus formels des organismes bénéficiaires du don, il appartient à l’entreprise donatrice d’apporter la preuve qu’elle a effectué un versement qui satisfait aux conditions prévues, à savoir, la réalité des dons, le montant du versement, l’identité du bénéficiaire, la nature et la date du versement. A cet égard, les organismes bénéficiaires peuvent délivrer des reçus prévus l’article 200-5 du CGI et permettant à l’entreprise d’attester du don effectué. En matière de don en nature, l’attestation doit comporter l’identité de l’entreprise donatrice et la description physique (nature et quantités) des biens et services reçus et acceptés sans mention de leur valeur.

b) La réduction d’impôt sur le revenu

Les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu peuvent alternativement opter pour le mécanisme traditionnel de réduction d’impôt sur le revenu.

Similairement au système de mécénat, l’article 200 du CGI dresse une liste des bénéficiaires des dons permettant à une entreprise soumis à l’IR de prétendre à la réduction d’impôt. Ces dons, réalisés sans contrepartie pour l’entreprise, peuvent prendre la forme de dons et versements directs ou d’abandons exprès de revenus ou de produits.

En principe, la réduction d’impôt est égale à 66 % du montant des sommes versées, dans la limite de 20 % du revenu imposable. Lorsque ces dons excèdent cette limite, l’excèdent est reporté sur les années suivantes jusqu’à la cinquième inclue et ouvre droit à réduction d’impôt selon les mêmes conditions. Par exception, les versements réalisés au profit d’organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, ou qui exercent des actions concrètes en faveur des victimes de violence domestique, ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 75 % du montant des versements, dans la limite de 1.000 € pour l’imposition des revenus de 2020[4].

Notons que pour bénéficier de la réduction d’impôt, l’entreprise doit être en mesure de présenter les reçus délivrés par les organismes bénéficiaires des versements, quel que soit le montant du don.

Article rédigé par Rebecca Guyot, Avocat, et Adélaïde Hello, Elève-avocat. 

 ***

[1] Décision UE/2020/491 du 3 avril 2020

[2] BOI-RES-000068-20200407

[3] Loi 2019-1479 du 28-12-2019, art. 134

[4] Loi 2020-473 du 25-04-2020, Article 14

Nous contacter

Cohen Amir-Aslani se tient à votre disposition pour envisager avec vous les meilleures solutions.