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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : LES ROBOTS SONT-ILS LES AVOCATS DE DEMAIN ?

Décembre 2019 : Bruno le Maire, Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance a prédit la disparition de plusieurs métiers en raison de l’émergence de l’intelligence artificielle. Parmi eux, la profession d’avocats. Fantasme ou réalité ?

 

Une utilisation de l’intelligence artificielle qui tend à se développer en France et dans les professions juridiques

  • Les legaltechs

Implantées en France depuis 2016, les legaltechs[1] (traduit en français par « technologie du droit ») connaissent un véritable essor. Un essor qui fait débat, les legaltechs étant considérées par certains comme une « ubérisation » du droit.

Concurrence ou aide ? Les legaltechs réalisent des tâches standardisées et répétitives comme la rédaction de contrats de bail, d’actes ou encore de statuts types de sociétés, … Aujourd’hui, la rédaction d’actes et de contrats représente 38% des tâches des legaltechs. Cela permet ainsi aux avocats un gain de temps pour se concentrer sur des tâches demandant une plus forte valeur ajoutée et pour se focaliser sur un aspect essentiel de leur profession : la relation client.

Autre outil déployé par les legaltechs : l’estimation du taux de succès d’une procédure judiciaire. C’est notamment le cas de la startup Predictice qui permet aux avocats d’affiner leurs chances de succès dans un dossier grâce à son analyse de « millions de décisions de justice en 1 seconde »[2]. Testée en 2017 par une dizaine de magistrats des Cours d’appel de Rennes et Douai, la plateforme n’a pas su convaincre. Pourtant, depuis ces premiers essais, la startup a signé un partenariat avec le Barreau de Paris offrant aux avocats la possibilité de tester cette technologie pendant trois mois[3].

La transformation digitale des cabinets d’avocats n’est plus à remettre en question aujourd’hui, et la présence en ligne est devenue indispensable (site internet, présence sur les réseaux sociaux comme LinkedIn, Twitter ou encore Instagram,…). Les défenseurs des legaltechs voient ces dernières comme un moyen pour eux d’être référencés sur internet et ainsi de gagner en visiblité, notamment en devenant leur partenaire. Avec internet, les habitudes des consommateurs ont été bouleversées et 80%[4] d’entre eux déclarent avoir recours à internet pour se renseigner sur un produit ou un service. D’où l’importance d’être référencé.

Les legaltechs nous le prouvent bien : la révolution numérique est en marche dans le milieu juridique, que cela plaise ou non.  

  • Legal bots

Autre révolution qui fait appel à l’intelligence artificielle : les legal bots  (traduit littéralement par « robots juridiques »). La raison première de leur création est simple : assister les avocats et leur faciliter le travail.

  Un robot-avocat serait un atout pour :

  • Traiter les décisions et les jurisprudences afin d’en retirer les idées générales ainsi que les principes. Un gain de temps pour l’avocat qui n’a plus à lire l’intégralité du texte. Il lui suffit seulement de piocher les points qui l’intéressent.
  • Stocker l’ensemble des informations juridiques, triées et numérisées, dans une base de données : encore un gain de temps pour l’avocat.
  • Augmenter le succès de l’avocat durant le procès, notamment en évaluant les chances de succès. Des meilleures solutions pour gagner le procès sont ainsi proposées.

C’est au sein d’un cabinet d’avocats basé à Cleveland que le robot Ross a fait sa première apparition. Sa mission : analyser des milliers de jurisprudences concernant les faillites d’entreprises dans le but de trouver des cas similaires aux dossiers traités par le cabinet. L’enjeu est d’apporter des réponses précises à des questions que peut se poser l’avocat et d’étudier l’ensemble des possibilités et failles potentielles de l’argumentaire. Le robot a même un slogan « chaque minute passée à effectuer une recherche juridique est une minute de perdue ». Ayant fait ses preuves aux Etats-Unis, de nombreux pays sembleraient intéressés.

Un bémol demeure cependant : il n’est pas en capacité d’interpréter la loi ni d’insuffler d’éventuels revirements de jurisprudences au juge. Et c’est sans doute mieux comme ça.

  • DataJust

27 mars 2020, en pleine période de confinement en France, un décret est adopté autorisant le Ministère de la Justice à développer un algorithme nommé « DataJust ». Cet algorithme serait utilisé par la justice lors d’évaluation d’un préjudice corporel en cas d’agression ou d’accident par exemple.

Si les avocats ne voient pas d’un bon œil cette apparition, les clients non plus. En effet, l’algorithme nécessite la compilation de toutes les décisions concernant leur dossier, y compris des données médicales, sans qu’il n’y ait de lien direct avec leur affaire.

Autre problème : au lieu de guider les juges dans leur décision, l’algorithme va créer un barème qui va les uniformiser. Ainsi, les juges reproduiraient à l’identique les décisions de justice, avec les mêmes indemnisations, sans prendre en compte l’histoire et la singularité propre à chaque client.

 

Si l’intelligence artificielle se développe en France, comment se déploie t-elle en dehors de nos frontières ?

En Estonie, l’intelligence artificielle a pour but d’alléger la charge de travail des juges et des greffiers afin qu’ils se concentrent sur des affaires plus complexes. Le gouvernement développe actuellement une intelligence artificielle qui sera capable de déterminer ou non la culpabilité d’une personne. Ce procédé ne concernera en premier lieu que les délits mineurs, à savoir ceux dont les dommages seront inférieurs à 7 000 euros.

Au Canada, et plus précisemment dans l’Etat d’Ontario, l’intelligence artificielle est utilisée aux fins de désengorger les tribunaux. Les conflits de voisinage ou entre employeurs et employés peuvent désormais se résoudrent en faisant appel à un tribunal virtuel.

 

Que ce soit en France ou à l’internationnal, l’intelligence artificielle a des biais similaires

Outre l’absence de l’aspect humain, l’intelligence artificelle a encore des travers.

Premièrement, la question de la création de l’algorithme peut se poser. En effet, ce sont les humains qui sont à l’origine des algorithmes. Or qui du professionnel du droit ou de l’ingénieur sera à l’origine de l’algorithme à la base de l’intelligence artificielle ? Dans tous les cas, toute précaution doit être prise au regard des erreurs qui peuvent être induites par l’intelligence artificielle et qui pourraient alors impacter son évolution ainsi que le sens des décisions prises sur leur base.

Deuxièment, qui est responsable en cas d’erreur ? Un robot est-il en mesure de posséder une personnalité juridique ? Effectuant des tâches similaires aux hommes, les robots pourraient a priori être dotés d’une personnalité juridique. Cependant, le robot reste une machine et il est donc impensable de le comparer aux hommes. Ne possédant donc pas de personnalité juridique, la responsabilité serait donc imputable au créateur ou à son utilisateur ?

Enfin, tout comme l’informatique, l’intelligence artificielle peut être soumise à des pannes ainsi qu’à des piratages.

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Même si l’intelligence artificelle tend à se développer dans le milieu juridique, il reste difficile d’imaginer un monde sans avocats. L’empathie et la finesse d’interprétation d’un avocat sont deux qualités qui ne sont pas prêtes d’être remplacées par des robots. L’avocat n’est également pas qu’une machine à ressortir le droit, il l’interpète et l’insuffle. Pour vous rassurer, une enquête menée par Deloitte et Oxford révèle que les avocats ont moins de 3% de chances, à l’horizon 2040, d’être mis au rebut par une intelligence artificielle.

Article rédigé par Marie Simon, Chargée de communication

 

[1] Startup permettant d'offrir une large palette de services juridiques aux internautes en faisant usage de la technologie et de logiciels performants

[2] Predictice, <https://predictice.com/>

[3] Avocats Barreau de Paris <http://www.avocatparis.org/lincubateur-du-barreau-de-paris-et-predictice-signent-un-partenariat>

[4] Semji, « Etude : comment l’e-réputation des entreprises impacte l’acte d’achat », <https://semji.com/fr/blog/sondage-ifop-reputation-vip-linfluence-de-le-reputation-sur-lacte-dachat/#Avant_de_realiser_un_achat_les_internautes_se_renseignent_en_ligne>

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